Le début d'une nouvelle fantastique que je suis entrain d'écrire. Ca parle de l'epansion de l'empire sous Auguste... Rien de transcendant, juste de quoi se détendre... Indulgence!!
et bonne lecture
Clausus lança les dés ; cela ne servait à rien, au fond. Les dieux avaient déjà déterminé de quel côté ils allaient tomber. Depuis bien avant sa naissance, cette partie avait déjà été jouée. Mais qu’importe.
Les cubes roulèrent sur le sol, sortant un cinq… et un six. Clausus sentit ses muscles se crisper légèrement puis se relâcher aussitôt. Il n’aimait pas avoir de la chance aux dés avant une bataille ; il ignorait pourquoi, mais il avait l’impression que ça lui usait son potentiel de chance pour le combat à venir. Et contre des celtes, il lui faudrait plus que de la chance.
Il sentit une claque contre son épaule. Lucilius le congratulait pour sa belle réussite.
- Les Dieux te sont favorables, aujourd’hui, ami Clausus ! C’est la deuxième fois que tu me bats aussi sèchement !
Lucilius était lui aussi officier de la cinquième légion. Plus petit et plus trapu que Clausus, des yeux sombres et un regard fier qui traduisaient son origine du Latium, dans la proche banlieue de Rome…
Clausus eut un faible sourire pour remercier son ami de son soutient. Oui, se congratuler était important. Le combat tenait souvent au moral… Enfin disons tout du moins que ça donnait un certain avantage. Et contre ces géants blonds du nord vêtus de peau de bêtes, il en faudrait. Oui, du courage et de la chance. Mais la vaillante cinquième légion n’était jamais défaite.
- Que les Dieux me soient favorables, oui ! acquiesça-t-il de sa belle voix de sentor, feignant un sourire enthousiaste. Tu me dois une tournée lorsque nous seront revenus dans la Cité !
- Deux fois que tu gagnes, Clausus ! s’esclaffa Lucilius. Si nous ne crevons pas dans cet enfer glacé, je te paierais le meilleur bordel de Rome !
- Lucilius… dit-il avec une vois teintée d’amusement
Son ami fronça les sourcils d’incompréhension, puis éclata de rire.
- Excuse moi, Clausus ! J’avais presque oublié que tu venais de te fiancer !
- Et heureux de l’être, ami. Offre moi plutôt un berceau pour mon enfant à venir.
- Soit ! Nous fêterons à notre retour la naissance de ton fils !
Encore ce regard fier, cette certitude dans les yeux bruns de son ami. Clausus se dit que dans quelques temps, avant de se lancer à l’assaut, il faudrait faire une belle harangue aux légionnaires. C’était grâce à eux que cette bataille serait remportée. Il faudra s’inspirer de cette confiance qui luisait dans les prunelles de son compagnon d’infortune.
Clausus se leva, jeta une cape sur ses épaules et alla s’asseoir en tailleur près du feu de sa tente à l’allure spartiate. Il ne fallait pas se plaindre. Les non-gradés étaient encore moins bien lotis. Trois jours qu’ils campaient devant le fort celte d’amaridia, en attendant l’ordre de l’état major d’attaquer.
Trois jours de doute, d’incertitudes, mais nécessaires cependant pour peaufiner une stratégie viable. Les généraux n’avaient qu’une vague idée de la géographie de la région quand ils étaient partis de Rome, il y a deux mois… on aurait dit il y a dix ans…
Ici, dans ce pays glacial, où des bêtes sans nom rodaient le soir autour du camp ; ici, si loin des délices du Latium ; ici, ou le souvenir de la peau douce de Clarissia s’estompait presque…
Que n’aurait-il pas donné pour se retrouver de nouveau dans les bras de sa fiancée, loin de cette rude campagne, sans cet uniforme inconfortable ?
Le jeune officier se secoua la tête comme pour chasser ces pensées ; il fallait se concentrer sur l’instant présent…
Il était fort probable qu’à l’aube, demain, alors qu’un soleil sans chaleur se lèverait sur cette terre verte, il faudrait être prêt à lancer l’offensive.
C’est avec cette pensée fort peu réjouissante que Clausus souhaita un bon repos à son ami, et, un sourire aigre aux lèvres, se coucha sur son lit de camp.
Curieusement, il n’eut pas à se retourner une vingtaine de fois avant de s’endormir ; comme si les Lares le protégeaient, son sommeil triompha de son angoisse…